Les Associations de Familles dans l'Autisme

Cet article a été rédigé par

Dr Roxane Odoyer
CRA Midi-Pyrénées

Pour aller plus loin : Bilan qualitatif des dix ans de fonctionnement des centres ressources autisme par Roxane Odoyer, Thèse de Médecine, 2016.

Les associations de famille sont un des éléments moteurs majeurs des politiques publiques de l’autisme.

Ce sont elles qui, historiquement, se sont mobilisées, devant le constat des insuffisances qualitatives et quantitatives concernant la prise en charge et l’accompagnement des personnes autistes en France, pour faire évoluer les perspectives qui leur étaient offertes.

La sociologue Brigitte Chamak [1] distingue 3 générations d’associations de famille dans le champ de l’autisme, avec des revendications qui évoluent au fil du temps :

Première génération

Dans les années 1960, les parents se sont regroupés en associations pour créer sur leurs fonds personnels leurs propres institutions devant l’insuffisance de structures existantes et leur inadéquation aux besoins de leurs enfants.

L’ASITP (Association au Service des Inadaptés ayant des Troubles de la Personnalité) et l’UNAPEI (Union Nationale des Associations de Parents et Amis de personnes handicapées mentales) sont les deux premières associations françaises à s’être impliquées dans le champ de l’autisme.

L’ASITP a par exemple créé le premier hôpital de jour pour enfants (Santos Dumont à Paris) en 1963 avec l’objectif d’éviter la séparation des enfants d’avec leurs parents. L’UNAPEI a quant à elle participé à la rédaction de la loi de 1975 sur le handicap en soutenant l’évolution des représentations du handicap mental et l’intégration des personnes en situation de handicap dans la société.

Deuxième génération 

A partir du milieu des années 1980, les associations commencent à promouvoir la recherche sur l’autisme : c’est ainsi qu’est créée l’ARAPI (Association pour la Recherche sur l’Autisme et la Psychose Infantile) à partir de l’ASITP, une association regroupant à la fois chercheurs et parents.

Elles impulsent également le développement d’institutions spécialisées, utilisant des programmes éducatifs venus d’outre atlantique comme le programme TEACCH (AIDERA : Association Ile-de-France pour le Développement de l’Éducation et la Recherche sur l’autisme, Pro Aid Autisme).

En 1990 naît la Fédération Sésame Autisme (à partir de l’ASITP), qui vise alors la prise en compte du handicap spécifique de l’autisme et le développement d’institutions de qualité spécifiquement dédiées. Elle regroupe à l’heure actuelle 32 associations en région.

Avant les années 1990, les associations de familles se créent en partenariat avec les autorités publiques et les institutions médicales.

Troisième génération

A partir de la fin des années 1980 et du début des années 1990, de nouvelles associations plus revendicatives apparaissent dans le champ de l’autisme. Elles s’inscrivent en opposition avec le modèle psychodynamique et les conceptions de l’autisme prédominant dans le milieu psychiatrique français de l’époque. Elles défendent le modèle neuro-développemental de l’autisme, les méthodes éducatives comportementales et le droit à la scolarisation.

C’est ainsi qu’en 1989 se crée l’association Autisme France à partir d’une scission au sein de l’ASITP, devenue depuis une des associations de parents les plus actives dans le milieu de l’autisme.

Plus de 125 associations réparties sur l’ensemble du territoire français en sont membres ou partenaires à l’heure actuelle.

Au fil du temps, les parents regroupés en association ont eu une position de plus en plus active dans la prise en charge et l’accompagnement de leurs enfants : recherche et échange d’informations sur internet, suivi de formations, voire professionnalisation.

Les actions des associations de famille ont participé à diffuser les connaissances scientifiques et les méthodes éducatives et comportementales venues d’outre atlantique. Elles sont aussi à l’origine d’actions de sensibilisation du grand public et du développement des programmes de formations des aidants familiaux.

Elles ont fortement contribué à des changements majeurs dans le champ de l’autisme à partir du milieu des années 1990.

C’est ainsi sous l’impulsion des associations de familles qu’ont été publiés entre 1994 et 1995 les premiers rapports publics sur l’autisme (de l’IGAS, de la Direction de l’Action Sociale et de l’ANDEM) à la demande de la Ministre des Affaires Sociales et de la Santé de l’époque, Madame Simone Veil, et qu’est parue la circulaire du 27 avril 1995 qui instituait des plans d’action régionaux sur 5 ans visant à l’amélioration de la prise en charge des personnes autistes.

C’est également sous la pression des associations de familles que l’autisme est reconnu comme handicap avec la loi dite Chossy du 11 décembre 1996, ce qui permet aux personnes autistes et à leurs familles d’obtenir des droits promulgués par la loi sur le handicap de 1975 (puis celle de 2005) et de bénéficier de mesures de compensation.

En novembre 2003, c’est via Autism Europe, association européenne assurant une coordination entre plus de 80 associations de l’autisme dans une trentaine de pays, que la France est pointée du doigt par le Comité Européen des Droits Sociaux pour manquement à son engagement du respect du droit à l’éducation pour les personnes autistes en tant que signataire de la Charte Sociale Européenne révisée.

Les associations de famille ont aussi saisi à deux reprises le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) en 1994 puis en 2005 pour dénoncer les défauts de prise en charge notamment éducative des personnes autistes, ainsi que l’absence de véritable politique favorisant l’inclusion sociale ; ce qui a conduit à la publication de deux avis de la part du CCNE en 1996 puis 2007

En 2012, les associations de familles ont fortement soutenu le projet qui a permis que l’autisme soit déclaré « Grande Cause Nationale », en se regroupant pour fonder le « Collectif Autisme » rassemblant six grandes fédérations d’associations de parents de personnes autistes parmi les plus représentatives en France : Asperger Aide France, Autisme France, Autistes sans Frontières, Sésame Autisme, Pro Aid Autisme et La Fondation Autisme.

Les associations de familles ont aussi été à l’origine d’une campagne nationale de sensibilisation à destination du grand public, intitulée « Dis-moi Eliott », visant à lutter contre les préjugés et lancée par Madame Ségolène Neuville, secrétaire d’État en charge des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion à l’occasion de la journée mondiale de l’autisme du 2 avril 2016.

Elles participent entre autres aux travaux d’élaboration des recommandations de la Haute Autorité de Santé et au suivi de la Stratégie Nationale pour l’autisme (via le Conseil national des troubles du spectre autistique et des TND)

Des représentants d’associations de familles siègent dans les COS des CRA et dans différentes instances du GNCRA (Conseil des usagers, Assemblée Générale)

 

[1] Chamak B. Autism and social movements: French parents’ associations and international autistic individuals’ organisations. Sociology of Health & Illness. 2008 Jan ; 30(1):76-96.