Les Associations d'Usagers dans l'Autisme

Cet article a été rédigé par

Dr Roxane Odoyer
CRA Midi-Pyrénées

Pour aller plus loin : Bilan qualitatif des dix ans de fonctionnement des centres ressources autisme par Roxane Odoyer, Thèse de Médecine, 2016.

Personnes autistes : Évolution d’une place, d’un rôle, d’une implication

Les personnes autistes commencent à faire entendre leur propre voix à partir de la fin des années 1980 et du début des années 1990.

C’est à cette époque que paraissent les premiers récits autobiographiques (Ma Vie d’autiste de Temple GRANDIN, 1986 ; Si on me touche, je n’existe plus de Donna WILLIAMS, 1992). Ces témoignages de personnes rendant compte de leur propre vécu de l’autisme contribuent peu à peu à un changement de regard et à un début d’appréhension du fonctionnement autistique, souvent déroutant pour les personnes dites « neurotypiques ».

En parallèle, les personnes autistes cherchent à se regrouper : l’essor d’internet permet ainsi que la première communauté de personnes autistes voie le jour en 1992 autour de Jim Sinclair aux Etats-Unis (ANI : Autism Network International). A partir de 1996, ANI organise régulièrement ses propres conférences (Autreat), dans des environnements « autism-friendly » (environnement adapté, en particulier au niveau sensoriel). (Neurotribes de Steve Silberman, Avery Edition. 2015)

Par la suite, les personnes autistes prennent progressivement une position plus active et militante.

Les regroupements de personnes autistes portent des revendications différentes de celles des associations de familles. Au-delà d’un soutien mutuel des personnes entre elles, ils œuvrent à la défense des droits des personnes et à la lutte contre la stigmatisation : on parle aussi de « self advocacy » ou autoreprésentation/autodétermination. Ils militent également pour la neurodiversité et l’acceptation des particularités de fonctionnement des personnes autistes comme une façon différente de percevoir le monde, aussi légitime que celle des personnes « neurotypiques ».  (B. Chamak, Autism and social movements : French parents’ associations and international autistic individuals’ organisations. Sociology of Health & Illness. 2008 Jan;30(1):76-96.)

En Australie, Wendy Lawson, autiste et docteur en psychologie, a par exemple travaillé à partager et diffuser sa compréhension du fonctionnement autistique en y intégrant son vécu personnel.

Michelle Dawson, une chercheuse canadienne dans le domaine de l’autisme (équipe du Dr Laurent Mottron) elle-même autiste, demande quant à elle à ce que la dignité des personnes autistes soit respectée et désapprouve l’image de l’autisme véhiculée par les discours de certaines associations de parents, ainsi que le recours généralisé aux interventions comportementales intensives.

Plus près de chez nous, Josef Schovanec, docteur en philosophie et autiste, sillonne le territoire français pour participer à des conférences sur l’autisme avec pour objectif non pas tant de témoigner de son parcours personnel, que d’informer sur l’autisme et soutenir la défense des droits des personnes autistes. Il est l’auteur d’un rapport sur « le devenir professionnel des personnes autistes » remis en mars 2017 à Madame Ségolène Neuville, ancienne secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l’exclusion.

En France, les témoignages et regroupements de personnes autistes sont plus récents qu’outre-Atlantique : on les voit apparaitre à partir des années 2000.

La première association française de personnes autistes nait en 2004 : SAtedI (Spectre Autistique, troubles envahissants du développement – International). D’autres associations regroupant spécifiquement des personnes autistes se sont depuis créées : l’AFFA (Association Francophone de Femmes Autistes), PAARI (Personnes autistes pour une autodétermination responsable et innovante), ou encore le CCNAF (Comité Consultatif National d’Autistes de France), qui n’est plus actif aujourd’hui.

Plusieurs forums internet offrent des espaces d’échanges dédiés aux personnes autistes, comme par exemple Asperansa ou Asperger Aide. Les réseaux sociaux sont aussi investis notamment avec le hashtag #ActuallyAutistic, et des collectifs autour de thématiques particulières se développent (Spectre Artistique, regroupant des artistes autistes francophones).

Depuis le troisième plan autisme (2013-2017), le point de vue des personnes autistes elles-mêmes (et non plus seulement celui des parents et familles) est pris compte dans le champ de l’autisme et en particulier dans les politiques publiques. Des personnes autistes ont ainsi participé aux groupes de travail pour l’élaboration de recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS). Certaines ont aussi été impliquées dans les travaux de concertation de la stratégie nationale pour l’autisme 2018-2022, et deux personnes autistes sont actuellement membres du Conseil national des troubles du spectre autistique et du neurodéveloppement, instance consultative nommée par Madame Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre chargée des personnes handicapées, et présidée par Madame Claire Compagnon, déléguée interministérielle à la stratégie nationale. La stratégie prévoit d’ailleurs de favoriser la pair-aidance (soutien par les pairs) avec la création d’au moins un Groupe d’Entraide Mutuelle (GEM) par département.

Au niveau des Centres Ressources Autisme, les personnes autistes participent aux Conseils d’Orientation Stratégique.

Des personnes autistes sont aussi présentes dans deux instances du GNCRA : le Conseil des usagers et le Comité scientifique et technique.